Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Zoom

 

Dans la course pour la préservation de l’environnement, quelle place pour les populations locales ?

Zoom sur l’article « Environmental governance for all », récemment publié dans  la revue américaine Science par François-Michel Le Tourneau, géographe spécialiste de l’Amazonie brésilienne et directeur de recherche au CREDA,  et Eduardo Brondizio, professeur au département d'anthropologie de l'Université d'Indiana et ancien professeur invité de l’IHEAL.

François-Michel Le Tourneau nous livre une interview et revient sur le sujet de l’article, les grands espaces ruraux de la planète et le rôle des populations locales dans la préservation de ces écosystèmes, rôle largement reconnu dans les accords internationaux. Grâce leur proximité géographique, ces populations sont essentielles pour s’assurer du bon fonctionnement des cycles écologiques de ces régions, permettant ainsi d’équilibrer et de mitiger les effets du changement climatique. Vis-à-vis de l’intensité de consommation des ressources par les grandes métropoles, de plus en plus peuplées, ces espaces remplissent la fonction cruciale d’offrir des ressources naturelles à la population mondiale (nourriture, eau, énergie) mais aussi de lui fournir des services environnementaux tels que l’absorption de gaz carbonique ou la filtration d’eau.

Très souvent imaginés comme des espaces où la nature est encore intacte, les zones faiblement peuplées de la planète gardent une large diversité : en plus  des aires dites de « conservation » on trouve également des établissements humains ruraux, des grands espaces agricoles et des aires destinées à l’économie d’extraction. De la même façon, les groupes de population qui y habitent sont loin d’être homogènes : « quand on parle des populations locales les gens pensent justement aux amérindiens, éventuellement à des minorités ethniques, mais très peu à d’autres types de populations rurales qui ne sont pas forcément des populations autochtones et qui ont aussi leur rôle spécifique ».

Les habitants de ces espaces, qu’ils soient issus des populations autochtones ou qu’ils soient des cowboys de l’Amérique profonde, sont tous affectés par les politiques de préservation visant à protéger les systèmes écologiques de leurs terres. Si ces politiques leur permettent en effet de conserver leur entourage, elles négligent très souvent d’inclure leurs voix, leurs demandes et leurs besoins, en leur bloquant l’accès à des activités ou à des ressources qui leur permettraient de bénéficier d’un certain développement économique. Face à l’absence de solutions pour compenser d’une façon réaliste et durable leur rôle en tant que gardiens de ces vastes espaces naturels, la plupart  du temps ces populations se voient appauvries, exclues ou obligés de migrer  vers les centres urbains.

Dans ce contexte, la gouvernance environnementale est une notion qui suppose un partage mondial des ressources naturelles nécessaires au bien commun. Elle envisage une gestion intégrale des ressources ainsi que la réconciliation des modes de vie et des droits des populations locales avec les exigences de conservation et les politiques d’exploitation, actuellement en concurrence.

Néanmoins, cela représente sans doute un message difficile à faire passer dans le contexte actuel. « Aujourd’hui on est dans une dominante conservationniste », estime M. Le Tourneau ; « au lieu de changer les modes de consommation, qui serait pourtant ce qui aurait le plus d’impact, on essaye de préserver les environnements qui vont aider à stabiliser le climat, on demande aux populations locales d’aider à préserver l’environnement, mais la question des compensations auxquelles elles peuvent avoir droit et ce qu’on leur propose en échange n’est pas très claire. »

Retrouvez l’article « Environnemental governance for all » sur Science.

 

Photo : Kevin Frayer


Publié le 17 décembre 2016 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 1, janvier 2017.