Etat et action publique : politiques publiques et développement, intégration régionale et insertion internationale

Coordination : Vera Chiodi (maître de conférences en économie)

Séminaire rattaché : SEMID - économie sur la mondialisation, les intégrations et le développement

 

PRÉSENTATION DE L'AXE

Cet axe résulte d’une redéfinition de l’ancien axe « Intégration régionale dans les Amériques » qui tient compte d’un tournant majeur intervenu en Amérique latine dans les années 2000 : le renforcement du rôle de l’Etat dans les processus économiques et sociaux.

Le « retour de l’Etat » en Amérique latine est vu comme une nécessité pour améliorer la qualité des politiques publiques et rompre avec les excès du libéralisme. Cela se traduit par l’intérêt croissant pour l’étude de la nature, les fondements et l’efficacité des politiques publiques. Cet intérêt va de pair avec une redéfinition de l’agenda public (associé à l’émergence de gouvernements dits de « gauche » ou de « centre gauche ») dans le sens de la mise en place de politiques de développement au sens large sur le plan social (lutte contre la pauvreté, politiques sociales innovantes, discrimination positive) comme dans le domaine économique (programmes d’infrastructure, sécurité énergétique, stratégies d’intégration régionale et d’insertion internationale).

Par conséquent, un premier domaine de recherche a trait à la question des politiques publiques et du développement. Le rôle accru de l’Etat à partir des années 2000 est allé de pair avec un renouvellement de la réflexion sur la relation entre les systèmes politiques et les politiques publiques (Inter-American Development Bank, 2006). Dans ce cadre, les travaux sur l’émergence d’une nouvelle génération de politiques sociales -et plus généralement de politiques publiques- et sur la modernisation des administrations ont nourri un débat mené sur fond d’activation et d’élargissement de l’agenda gouvernemental dans de nombreux pays de la région. Cet agenda inclut non seulement des problématiques directement liées aux caractéristiques socio-économiques des pays latino-américains mais aussi d’autres thèmes qui constituent des enjeux cruciaux pour le développement de la région. C’est le cas notamment des questions ayant trait aux infrastructures de transports, aux problèmes liés à l’éducation ou encore aux tensions induites par l’urbanisation rapide que connaissent des nombreux Etats (Surel, 2011). Il en résulte un agenda public dominé par des questions liées au niveau relatif de développement de la région et soumise tant aux pressions exogènes (notamment par les institutions internationales) qu’aux logiques d’émergence de divers secteurs de la société civile (classes moyennes, groupes ethniques).

Ce domaine de recherche va s’articuler avec le récemment crée Groupe d’analyse des politiques publiques dans les Amériques (GAPPA) du GIS Institut des Amériques, ce qui permettra d’enrichir les analyses grâce à une approche pluridisciplinaire et transaméricaine et d’encadrer de nombreux jeunes doctorants qui ont amorcé des recherches sur différents sujets liés à cette thématique (politiques publiques en matière d’éducation, politiques publiques dans le secteur de l’eau…). Le GAPPA a lancé un cycle de séminaires mensuels et a mis en place un comité scientifique constitué initialement par Jean-Michel Blanquer, Carlos Quenan et Yves Surel.

Le deuxième grand champ de recherche est celui de l’action publique en matière de gestion et d’orientation de l’intégration régionale et l’insertion internationale dont la pertinence est évidente dans les années 2000 dans la mesure où dans plusieurs pays de la région on a vu apparaître l’idée d’un « Etat stratège » qui était absente ou insuffisamment présente auparavant.

Sans négliger l’étude des fondements historiques et des modalités institutionnelles de l’intégration, il s’agit de donner une place croissante à, d’une part, la recherche sur les nouvelles dimensions émergentes de l’intégration et, d’autre part, à l’intégration régionale et les stratégies d’insertion internationale des différents pays et groupes de pays dans le cadre de la globalisation et du « décentrage » en cours (renforcement des dynamiques Sud-Sud…).

En ce qui concerne les nouvelles dynamiques de l’intégration régionale, on assiste dans les années 2000 à une évolution vers des questions non strictement commerciales : infrastructures, coopération énergétique, système éducatif, systèmes de santé, coopération politique... Au travers de ces questions l’intégration régionale est mise en rapport avec la thématique du renouvellement de l’action publique (vision moins « commercialiste » de l’intégration, stratégies d’insertion régionale et internationale des Etats, territorialisation des politiques publiques…) dans le cadre de l’émergence d’une nouvelle vague de régionalisme. On est ainsi passé d’une approche en termes de « régionalisme ouvert», dominante dans les années 1990, à celle du « régionalisme post-libéral » des années 2000 (Quenan, 2006 ; Da Motta Veiga et Rios, 2007 ; Sanahuja, 2007). En même temps, on constate une grande variété de configurations dans les processus d’intégration : doté de stratégies collectives, investi par des acteurs publics et privés, le régionalisme, complexe et multiple, ne se développe pas de manière uniforme (Santander, 2012).

Ce champ de recherche aura pour objet l’étude des processus d’intégration que nous qualifions de « concrets », dans la mesure où nous proposons d'analyser la nature, la portée et les acteurs de grands travaux, de grands chantiers d'ampleur régionale, par exemple avec la construction d’infrastructures (réseaux ferrés, réseaux énergétiques, infrastructures portuaires, etc.). Elle permettra d’étudier les processus d’intégration dans les Amériques et les recompositions territoriales qui en résultent. Ceci devrait permettre de faire ressortir l'impact des dimensions précédentes sur les territoires, aux différentes échelles : mise en valeur de nouveaux espaces, réappropriation d’autres. Plus particulièrement, elle se concentrera sur des études sur les impacts des corridors, des grands aménagements continentaux, en poursuivant des recherches engagées lors du précédent quadriennal. Elle privilégiera, par ailleurs, des approches comparatistes entre l'Amérique du Nord et l'Amérique latine ou transaméricaines.

Pour ce qui est de la dimension intégration régionale et stratégies d’insertion internationale, elle apportera une dimension extra-américaine et supra-continentale, justifiée par la progression en cours des relations et des échanges entre les Amériques et d'autres grandes régions du monde : Amérique latine/Moyen Orient, Asie/Amériques, Amérique latine/Afrique (sans négliger l’étude des relations « traditionnelles » par ex : les relations Europe/Amérique latine). Ceci permettra de développer des regards croisés sur les relations inter-régionales.

RÉFÉRENCES

• Inter-American Development Bank, The Politics of Policies, Economic and Social Progress in Latin America, 2006 Report, Washington D.C., 2006.
• Yves SUREL, «Les problématiques de l’action publique», dans Carlos Quenan et Sebastien Velut, Les enjeux du développement en Amérique latine. Dynamiques socioéconomiques et politiques publiques, AFD/IdA, Paris, 2011.
• Carlos QUENAN, « Régionalisme en Amérique latine : concurrence et convergence de projets », Questions internationales n° 14, La Documentation Française, Paris, mars-avril 2006.
• Pedro DA MOTTA VEIGA ; Sandra P. RIOS, « O regionalismo pós-liberal, na América do Sul: origens, iniciativas e dilemas », Série Comercio Internacional n° 82, CEPAL, Santiago du Chili, juillet 2007.
• José Antonio SANAHUJA, « Regionalismo e integración en América Latina: balance y perspectivas », Pensamiento Iberoamericano, n° 0, Madrid, 2007.
• Sebastian SANTANDER, Relations internationales et régionalisme. Entre dynamiques internes et projections mondiales, Presses Universitaires de Liège, Liège, 2012.