Capes-Cofecub

 

Ideias em tempo de guerra fria.

Circulações intelectuais, encontros e desencontros

 

 

Financement et gouvernance

Projet Capes-Cofecub (coopération bilatérale franco-brésilienne), 2019-2022.

Sous la direction d’Olivier Compagnon (Université Sorbonne Nouvelle, IHEAL, CREDA UMR 7227) et Denise Rollemberg (Universidade Federal Fluminense).

 

Membres du projet

Partie brésilienne : Giselle Venancio, Francine Iegelski, Marcelo Ridenti, Angélica Müller, Denise Rollemberg, Everton Barbosa

Partie française : Olivier Compagnon, Juliette Dumont, Franck Poupeau, Hervé Théry, Flores Giorgini, Mélanie Toulhoat

 

 

Résumé

 

Bien que l’histoire des relations entre la France et le Brésil ait fait l’objet de multiples travaux, la seconde partie du XXe siècle reste peu étudiée. C’est à cette lacune historiographique que remédie ce projet en inscrivant l’histoire des échanges intellectuels franco-brésiliens dans le contexte de la Guerre froide culturelle. Il vise à éclairer les nouveaux processus de circulation et de diffusion des idées qui se sont constitués entre les Amériques et l’Europe des lendemains de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1980 et leur impact sur la reconfiguration des relations culturelles franco-brésiliennes.

 

A cette fin, l’équipe de recherche a tout d’abord fait le choix de décentrer le regard et de prêter autant attention aux dynamiques multilatérales qu’aux relations bilatérales de manière à souligner la complexité des circulations intellectuelles et à mettre en évidence l’importance de nouveaux acteurs – individuels ou collectifs – étatsuniens et soviétiques. Le contexte intellectuel sur-idéologisé de la Guerre froide pèse en effet lourdement sur la circulation et la réception des produits culturels français au Brésil et brésiliens en France. Le Sartre qui est célébré au Brésil en septembre 1960 est-il le héraut de l’existentialisme ou le compagnon de route de la révolution cubaine qui vient de publier sa série de 16 articles « Ouragan sur le sucre » dans le journal France-Soir ? La même question vaut pour Jorge Amado que l’on découvre en France à la fin des années 1940 : apprécie-t-on alors le peintre-poète du monde bahianais ou le militant communiste, dont le livre sur la vie de Carlos Prestes a été traduit par des éditeurs proches du Parti communiste français, avant que Roger Caillois n’accueille ses romans dans la collection « La Croix du Sud » qu’il dirigeait chez Gallimard ?

 

Par ailleurs, ce projet vise aussi à travailler sur ce qui ne circule pas – ou ne circule plus – entre la France et le Brésil au cours de la Guerre froide. L’émergence de nouvelles médiations transatlantiques met fin au monopole que les acteurs de ces deux pays pouvaient exercer sur leurs échanges intellectuels, ces derniers passant par exemple de plus en plus souvent par les grandes fondations et entreprises étatsuniennes (. C’est ce qu’illustre bien le cas des jeunes professeurs français dont l’action avait été importante dans la fondation de l’Université de São Paulo au cours des années 1930, mais qui sont partiellement remplacés par des chercheurs nord-américains grâce aux programmes créés par la Fondation Rockefeller. L’analyse des nouvelles médiations entre la France et le Brésil après 1945 – éditeurs, programmes d’agences de recherche, organismes internationaux comme l’Unesco, etc. – revêt ainsi une importance cruciale dans les méthodes déployées par les chercheurs de cette équipe.

 

Sur cette base, il conviendra également de souligner le caractère asymétrique des réseaux transnationaux d’échange intellectuel. Si l’on peut raisonnablement supposer que les biens culturels circulent principalement depuis les nations les mieux positionnées en termes de production intellectuelle et d’industries culturelles vers les nations plus périphériques dans ce domaine, il est déterminant de ne pas perdre de vue les flux globaux dans lesquels s’insèrent ces circulations. Ainsi le séjour de la plasticienne Lygia Clark à Paris est-il certes déterminant pour comprendre l’évolution de sa conception de l’art d’avant-garde, mais cette évolution est loin de pouvoir être réduite à la simple transposition en Amérique latine de ce qui se faisait en Europe ou aux États-Unis.

 

Ce projet a enfin pour vocation d’évaluer le rôle d’instances internationales ou transnationales dans la reconfiguration des échanges intellectuels pendant cette période et la manière dont elles pèsent sur la réception des biens culturels en circulation. Ainsi peut-on faire l’hypothèse que, dans le contexte des années 1950 d’une Europe encore meurtrie par la guerre, les livres des Brésiliens Gilberto Freyre, Jorge Amado ou encore Graciliano Ramos qui sont publiés dans la collection « La Croix du Sud » ont été choisis pour servir un propos humaniste et optimiste au service de la paix mondiale, en phase avec les prescriptions de l’Unesco qui joue un rôle majeur dans les circulations transnationales de la période, plutôt que pour leur faculté à dénoncer les problèmes de la société brésilienne. L’ouverture en 1959 de la Maison du Brésil s’inscrit quant à elle dans une politique plus globale de création d’institutions ayant vocation à stimuler la circulation de personnes – et en particulier d’étudiants – vers la France. Les liens académiques, intellectuels et institutionnels de Luís Lisanti, qui en prend la direction à partir de 1963, le situent à la croisée de logiques tant universitaires que diplomatiques et font de lui un acteur de choix pour analyser les circulations entre les deux pays. L’un des éléments de méthodologie central dans le projet sera donc la reconstitution de trajectoires individuelles transatlantiques donnant à voir la multiplicité des enjeux et des rapports de force à l’œuvre durant la période.