Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Avis de décès de Claudie Duport, ancienne directrice de la bibliothèque Pierre Monbeig

 

Disparition de Claudie Duport, ingénieure de recherche au CREDAL-CNRS, directrice de la Bibliothèque Pierre-Monbeig  de 1966 à 2002

 

C’est avec une très grande tristesse que nous évoquons pour tous les amis de l’Iheal-Creda la mémoire de Claudie Duport, décédée brutalement le 1er mai 2022 dans sa maison familiale de Saint-Sever (Landes, Nouvelle Aquitaine). Elle repose désormais au cimetière de Montmartre, (Paris 18e).

 

Claudie, ingénieur de recherche au CNRS, était une grande dame de culture et de 1966 à 2002 elle a conduit inlassablement et avec brio l’évolution de la bibliothèque Pierre-Monbeig de l’IHEAL-CREDAL et de ses collections, pour lesquelles elle n’a jamais ménagé ses efforts. Revenir sur sa présence et son travail, c’est rappeler un pan essentiel de la vie de notre maison.

 

Depuis sa localisation, en 1956, rue Saint-Guillaume, la grande originalité de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine a été de travailler à la réunion en un même lieu des fonctions d’enseignement, de recherche, de documentation et d’édition. Cette unité a permis d’en faire un pôle de référence pour des générations d’enseignants, de chercheurs, d’étudiants, d’opérateurs économiques et politiques. Cette osmose entre ses différentes composantes a été, en effet, un ciment puissant dont témoigne de bout en bout l’histoire des services documentaires de l’institution.

 

 

DEUX STRUCTURES D’INFORMATION

AU SERVICE DE LA RECHERCHE LATINO-AMERICANISTE FRANÇAISE

 

 

La bibliothèque et le centre de documentation Pierre-Monbeig   du nom du premier directeur universitaire de l’institution   ont constitué sans nul doute les plus importantes collections de France spécialisées sur le monde latino-américain dans le domaine des sciences de l’homme et de la société.

 

L’histoire des fonds documentaires mis à la disposition du public dans cet établissement est plus ancienne que celle de l’établissement lui-même, fondé en 1954 par le recteur Sarrailh. La création de la bibliothèque de l’IHEAL résulte, en effet, de la volonté des latino-américanistes français dont les premiers fondèrent, en 1910, le Groupement des universités et des grandes écoles de France pour les relations avec l’Amérique latine. Témoin de la première heure de ce groupement, Charles Lesca rapportait dans sa contribution aux hommages rendus à Ernest Martinenche en 1939, « Histoire d’une revue » : “ les livres américains sont rares en France ; les bibliothèques publiques n’en possèdent que quelques exemplaires isolés et les libraires parisiens n’en connaissent même pas les noms ”. Pour remédier à cette situation, Paul Appel, président du Groupement annonçait la fondation de la Bibliothèque américaine dans un article intitulé “ Programme ” qui ouvrait le premier numéro du Bulletin de la dite bibliothèque. Cette bibliothèque devait “ réunir les livres et publications périodiques édités dans les républiques d’Amérique latine ainsi que les ouvrages et revues publiés en France et à l’étranger concernant ces mêmes pays ”.

 

Soucieux d’appliquer de telles résolutions, des intellectuels du renom contribuèrent à alimenter les collections spécialisées. La bibliothèque du Groupement rassemblée par ces chercheurs pionniers durant l’entre-deux-guerres fut, en effet, le premier don d’importance à la bibliothèque de l’IHEAL.

 

Lorsque cet organisme ouvrit, en 1956, les portes de ses nouveaux locaux, une partie importante de sa bibliothèque était déjà constituée. Raymond Ronze, dernier président du Groupement, vint doter la nouvelle institution des collections de la Bibliothèque américaine, patiemment réunies durant presque cinquante années par des universitaires passionnés d’Amérique latine. Au cours des années suivantes de nombreuses autres donations alimentèrent les premières collections.

 

Ainsi, l’information sur les aires latino-américaines fut considérée, avant même la création de l’IHEAL, comme un outil d’aide à l’enseignement et à la recherche latino-américanistes, la bibliothèque, dotée du legs significatif du Groupement, étant au cœur de ce dispositif. Dans les quarante années qui suivirent, l’Institut, servi à la fois par sa spécificité et par sa localisation à Paris au centre d’un environnement intellectuel porteur, fut utile à de nombreux chercheurs, enseignants et étudiants attirés par un fonds qui constituait un instrument de travail exceptionnel en France et en Europe. Les services documentaires de cet Institut furent investis, dans les faits, d’une fonction interuniversitaire sans jamais en avoir reçu ni le statut ni les moyens.

 

Quand, à l’initiative des chercheurs de la maison, le centre de documentation fut créé en 1964  la bibliothèque de l’Institut fut amputée de ses collections de périodiques. Le lien entre recherche et documentation prit alors tout son sens. Dès lors, deux systèmes de traitement de l’information allèrent coexister à l’IHEAL, et ce ne fut que par la grâce de l’informatisation, en 1992, qu’eut lieu la réunification des deux catalogues.

 

Les chercheurs de l’institut furent, de fait, à l’origine de la structuration du centre de documentation de l’IHEAL et le travail documentaire s’organisa à partir de 1966, lorsque Claude Bataillon prit la direction du nouveau centre. Marie Noëlle Pellegrin, inusable alter ego de Claudie Duport, débutait alors sa carrière. Les missions des deux structures furent mieux définies à partir de septembre 1967 : sans aucune ambiguïté, la bibliothèque assurait l’acquisition et le classement de tous les livres et le centre de documentation prenait en charge la totalité des abonnements, la gestion et le classement des revues. Une stimulante concurrence commençait.

 

Au départ, les tâches de documentation furent indubitablement imparties au centre. A terme, des tâches similaires furent effectuées dans les deux structures. Avec l’arrivée de Claudie Duport à la bibliothèque, un travail plus spécifiquement documentaire allait se faire, en particulier au niveau du traitement des thèses spécialisées. À partir de 1992, l’élaboration commune du catalogue informatisé de l’institution, allait gommer les différences.

 

 

DEUX AXES POUR LA CONSTITUTION DES FONDS :

PLURIDISCIPLINARITE ET AIRE CULTURELLE

 

 

Bien qu’une grande partie des titres rassemblés dans la Bibliothèque américaine du Groupement concerne le Brésil, ce premier don illustrait néanmoins plusieurs disciplines et couvrait l’ensemble de la région. Cette caractéristique originelle s’appliquait également à la totalité des collections. Dès sa fondation, l’IHEAL fut marqué du sceau de la pluridisciplinarité. La volonté de couvrir l’ensemble des sciences sociales sur l’aire culturelle latino-américaine présida toujours au développement des fonds détenus dans les services d'information.

 

Dans les années 2000 le nombre des titres de revue et le volume des collections plaçaient l’IHEAL au premier rang national et au troisième rang européen. D’autres collections françaises pouvaient rivaliser en volume avec celles de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, Musée de l’Homme) soulignons toutefois que toutes étaient à la fois différentes et complémentaires, les services Pierre-Monbeig étaient cependant les seuls à offrir une ouverture pluridisciplinaire sur l’ensemble des aires latino-américaines. Leurs collections étaient significatives y compris dans le domaine des littératures et des civilisations.

 

Les relations institutionnelles tissées au fil des années avec constance et rigueur par Annie Lefort, première directrice de la bibliothèque, Claudie Duport, Marie-Noëlle Pellegrin et leurs collègues, permirent  des dons réguliers et des échanges avec des institutions d’Amérique ou d’Europe. D’autres institutions, choisirent après leur dissolution de “ survivre ” en confiant leurs fonds à l’Institut. Ce fut le cas du CETRAL (Centre de recherche sur l’Amérique latine et le Tiers monde) en 1986 et du Centre Lebret en 1994. Les dons personnels furent cependant les plus significatifs et les plus nombreux, en particulier ceux des  étudiants et des chercheurs. En 1992, Gustavo Beyhaut, professeur à l’université de Paris III, déposa à la Bibliothèque environ 500 livres portant principalement sur les problèmes politiques de l’Argentine, de l’Uruguay et du Chili des années 1970-1980. Peu après, une donation d’Alain Rouquié de 400 titres de politique contemporaine (un grand nombre d’entre eux concernant l’Argentine) vint compléter les collections de la bibliothèque. Pierre Gilhodès fut lui aussi, à la même époque, donateur d’un fond substantiel traitant pour l’essentiel des questions sociales et agraires en Colombie. Pour notables qu’ils furent, ces dons n’égalèrent pas l’importance des deux dernières donations reçues par la bibliothèque. Deux chercheurs, prématurément disparus souhaitèrent que leurs collections personnelles soient déposées rue Saint-Guillaume. Mario Carelli travaillait sur le Brésil, Thierry Saignes était spécialiste de la Bolivie. Ils laissèrent chacun 2000 titres sur leur pays de prédilection.

 

Le nombre important de dons, l’efficacité des échanges (plus de 300 revues étaient obtenues grâce à l’envoi de Cahiers des Amériques latines) facilitèrent, dans la durée, une couverture convenable de l’ensemble des pays et des disciplines. Les faibles achats, servirent à combler en priorité les lacunes les plus manifestes. L’absence de financements réguliers empêcha longtemps de mener une politique d’acquisition efficace et cohérente. Ce ne fut qu’avec la contractualisation des universités en 1992 qu’un financement permanent put être obtenu. Il permit de nouveaux abonnements à des revues, mais aussi l’acquisition de documents anglo-saxons et d’ouvrages de référence.  

 

 

UNE POLITIQUE D’INFORMATION

AU SERVICE DE LA COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE SPECIALISEE

 

 

Dans les années 1970-1980, de nouveaux pôles de recherche spécialisés sur l’Amérique latine se développèrent dans diverses universités françaises. L’idée de mettre en place une structure qui puisse à la fois rassembler et valoriser l’information produite au sein de ces nouvelles unités fut relayée par le Centre national de la recherche scientifique qui, en 1980,   fonda à Toulouse le Réseau documentaire Amérique latine. Depuis quelques années déjà, la vieille université de cette ville, berceau de l’hispanisme français, avait choisi de mettre l’Amérique latine au programme de ses investigations. L’IHEAL avait d’emblée soutenu ce projet  et l’animation du réseau, fut répartie entre Toulouse et Paris. Le travail documentaire collectif permit de mettre au jour des gisements d’information méconnus dans le pays et fit connaître en France, mais aussi à l’étranger le travail des chercheurs produit sur les mondes latino-américains dans toutes les disciplines de sciences humaines et sociales. Divers instruments d’information résultèrent de ce travail commun. La banque de données Amérique latine (CNRS), rassemblant et analysant la production française spécialisée fut sans doute la production collective qui contribua le plus à consolider le travail en réseau.

 

Dans une perspective européenne, le Réseau Amérique latine chercha bientôt à collaborer avec d’autres groupes latino-américanistes européens. L’IHEAL fut à la pointe de cette démarche puisqu’il organisa pour le Réseau en juillet 1988 un symposium qui allait connaître de nombreux prolongements. En effet peu après, le Réseau européen d’information et de documentation sur l’Amérique latine (REDIAL) vit le jour et développa ses activités à partir de la rue Saint-Guillaume. De nouvelles perspectives de coopération s’ouvrirent entre les différents centres européens du latino-américanisme. Quelques productions communes furent publiées dont la plus notable fut la banque de données de thèses soutenues depuis 1980 devant les universités d’Europe.

 

En 1996, les services documentaires Pierre-Monbeig furent reconnus “ pôle associé ” de la Bibliothèque nationale de France pour assurer l’acquisition de documents dans divers secteurs des sciences sociales sur l’Amérique latine. La richesse des collections de cartes de    l’IHEAL en fit, par ailleurs, un partenaire du Département des cartes et plans de la BNF et les signalements des documents de ce type conservés rue Saint-Guillaume vinrent peu à peu  compléter la banque de données spécialisées de la BNF.