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Gauches 2022: qu'allez vous faire pour les universités?
Gauches 2022 : qu’allez-vous faire pour les universités ?
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Depuis une quinzaine d’années au moins, les universités françaises vivent une agonie silencieuse. Insuffisamment dotées en ressources humaines et financières alors que le nombre d’étudiants n’a jamais cessé d’augmenter, elles ne sont plus en mesure d’assurer convenablement leurs missions de service public. Parmi les personnels, toutes catégories confondues, jamais le mal-être n’a été aussi pesant tandis que les étudiants, aux conditions de vie souvent précaires, constatent chaque année la dégradation de leur environnement d’apprentissage et de formation. Ce qui est en jeu, c’est évidemment l’avenir d’une part importante de la jeunesse dont le monde politique se complaît à dire qu’elle est une priorité tout en la sacrifiant systématiquement sur l’autel de la maîtrise des dépenses publiques. Mais c’est aussi l’avenir de la société tout entière dans la mesure où la transmission des savoirs, la construction de l’esprit critique, l’acquisition de compétences ou la fabrique de l’innovation qui se jouent aujourd’hui dans les universités déterminent très largement ce que nous serons et ce que nous saurons faire collectivement dans 20 ou 30 ans.Â
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Adoptée en 2007 à l’aube de la présidence Sarkozy, la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) a initié un cycle délétère qu’aucun gouvernement n’a remis en question depuis. Sous couvert d’une plus grande autonomie de gestion, il s’est en réalité agi de créer les conditions de la paupérisation des établissements, de les enjoindre de se regrouper au sein de grands ensembles (COMUE) susceptibles de recevoir des ressources exceptionnelles ou de les plonger dans une course effrénée à l’obtention de ressources propres. De cette mise en concurrence, certains ont su tirer leur épingle du jeu financier au travers de dispositifs dits d’excellence tandis que la plupart sont aujourd’hui condamnés à geler des postes d’enseignants-chercheurs, à rogner sur le volume horaire des formations ou à licencier des personnels contractuels pour construire un budget annuel au semblant d’équilibre. Dans ce contexte, la Loi de programmation de la recherche promulguée en décembre 2020, présentée par le gouvernement Castex et sa ministre Vidal comme un « investissement historique », n’est en réalité qu’un écran de fumée qui laisse entièrement de côté la mission formatrice des universités et prévoit d’octroyer à leurs activités de recherche des ressources qui ne compenseront pas, loin s’en faut, l’érosion continue des budgets depuis de très longues années. Quelques données statistiques résument simplement la situation et illustrent la dégradation permanente des conditions de travail à l’université : 925 maîtres de conférences ont été recrutés en 2020 contre 2113 en 2006 alors que le nombre d’étudiants a augmenté de près de 40% durant la même période ; entre 2017 et 2021, le nombre d’étudiants en France a augmenté de 6,5% alors que le budget total de l’enseignement supérieur n’augmentait que de 1% (en euros constants), d’où il découle une baisse de 5% des dépenses par étudiant en seulement quatre ans.Â
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Au-delà de la polémique sur la « gangrène islamo-gauchiste » qui rongerait le monde universitaire, si inepte et nauséabonde qu’elle ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête, le récent rapport publié par l’Institut Montaigne, dont on sait la puissance prescriptive auprès des élites qui nous gouvernent actuellement, fait froid dans le dos puisqu’il recommande, dans un langage technocratique se prétendant désidéologisé, la transformation des présidents d’université en entrepreneurs institutionnels, l’augmentation des droits d’inscription qu’un accès simplifié à l’emprunt étudiant pourrait faciliter ou encore la réforme du statut d’enseignant-chercheur prévoyant des rémunérations à la performance. Un aboutissement logique, somme toute, du processus initié par la LRU qu’une majorité des acteurs de l’université n’ont pourtant jamais cessé de dénoncer.
Dans ces conditions et à un peu plus d’un an des prochaines élections présidentielles, il semble urgent que les prétendants à l’Élysée – du moins ceux qui se classent à gauche, revendiquent une forme de progressisme et croient en la fonction démocratique d’un État social – fassent connaître leur vision de l’université et leurs propositions pour remédier à l’incurie qui règne depuis les années 2000. Si la liste exhaustive des questions qui se posent est interminable, quatre points au moins méritent d’être traités de manière prioritaire. Â
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-       Quels dispositifs pourraient être mis en œuvre pour remédier à la précarité étudiante, ancienne et structurelle, mais brutalement aggravée par la crise pandémique ?
-       Quelles solutions seront apportées à la sous-rémunération de certaines catégories de personnel, au premier rang desquels figurent les équipes administratives et techniques, mais aussi les enseignants vacataires assurant une part sans cesse croissante des enseignements pour un salaire qui est, de fait, inférieur au SMIC ?Â
-       Quelles réponses seront apportées à la sous-dotation des universités en ressources humaines et financières ? Et, plus généralement, sur quels aspects de la LRU conviendra-t-il de revenir pour restaurer un authentique service public de l’enseignement supérieur ?Â
-       Quel sort sera réservé au dispositif « Bienvenue en France », adopté sous le gouvernement d’Édouard Philippe, qui a instauré une multiplication par 10 (pour la licence) ou 15 (pour le master) des droits d’inscription pour les étudiants extra-communautaires, qui porte en lui un principe de discrimination tant sociale que raciale et va à l’encontre les missions de co-développement dont sont aussi porteuses les universités françaises ? Â
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S’il est peu probable que le vote d’environ 60 000 enseignants-chercheurs – auxquels s’ajoute cependant celui de la cohorte des chargés de cours et autres précaires de l’enseignement supérieur – soit en mesure de faire basculer une élection, celui de 2,8 millions d’étudiants, dont une majorité sont aujourd’hui plongés dans une profonde détresse, ne saurait être considéré comme complètement indifférent. Il en va également de l’avenir de la démocratie dont l’université, ouverte à toutes et tous sans aucune forme de discrimination, lieu possible d’intégration et d’ascension sociale, est l’un des piliers fondamentaux. Â
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Par un collectif d’enseignants-chercheurs de l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine (Université Sorbonne Nouvelle) : Mathilde Allain (politiste), Capucine Boidin (anthropologue), Vera Chiodi (économiste), Olivier Compagnon (historien), Dorothée Delacroix (anthropologue), Juliette Dumont (historienne), David Dumoulin (sociologue), Marie-Laure Geoffray (politiste), Camille Goirand (politiste), Denis Merklen (sociologue), Sébastien Velut (géographe).Â
Pour soutenir cet appel : https://www.wesign.it/fr/education/gauches-2002-quallez-vous-faire-pour-les-universites
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