Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Hélène Rivière d'Arc - In Memoriam

Hélène Rivière d’Arc – In Memoriam

 

Toute l’équipe de l’IHEAL et du CREDA a appris avec tristesse et consternation le décès accidentel d’Hélène Rivière d’Arc, le samedi 20 mars 2021, et s’associe très sincèrement à la douleur de ses proches. Géographe et directrice de recherche émérite au CNRS, Hélène a été l’une des figures marquantes de notre laboratoire durant de très longues années et démontrait son attachement à l’institution où elle avait fait toute sa carrière en participant toujours avec assiduité aux séminaires, ainsi qu’aux principaux événements scientifiques organisés par le CREDA UMR 7227. 

 

Originaire de Tarbes, Hélène Rivière d’Arc était venue à Paris pour y poursuivre ses études d’histoire et de géographie. Grâce à une bourse, elle prépare son diplôme de fin d’études au Mexique, sous la direction de Pierre Monbeig qui lui propose de réaliser une thèse sur la ville de Guadalajara. Ce travail, publié en 1970 (Guadalajara et sa région. Influences et difficultés d'une métropole mexicaine, Paris, Éditions de l’IHEAL), lui ouvre les portes du CNRS où elle est recrutée en 1971. Elle y restera jusqu’à son décès, devenant directrice de recherche en 1982, puis émérite après 2006 – et toujours dans l’équipe rattachée à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine sous ses dénominations successives. 

 

Hélène Rivière d’Arc s’engage dans les programmes amazoniens coordonnées par Pierre Monbeig dans les années 1970, avec Hervé Théry, Martine Droulers et Michel Foucher. Elle y gagne une expérience qui n’était pas si fréquente des terrains brésiliens et mexicains, des espaces pionniers et des villes. Elle élargit par la suite ses terrains en travaillant à Cuba, puis dans une moindre de mesure en Argentine et en Bolivie. Elle s’intéresse notamment à la transformation des villes industrielles, dans le cadre d’un programme sur les pôles industriels en Amérique latine, au début des années 1980. C’est donc logiquement que ses travaux se poursuivent sur les questions urbaines dans la région. Elle multiplie les coopérations et les programmes de recherche binationaux avec des collègues français et brésiliens. Ces activités l’amènent à diriger 21 thèses de doctorat sur le Mexique et le Brésil, en accueillant notamment de nombreux doctorants brésiliens. Elle dirige également, au début des années 1980, le GRECO-26, groupement de recherche coordonné sur l’Amérique latine, un élément-clé dans la structuration des réseaux de recherche latino-américanistes. 

 

Depuis la géographie urbaine, mais dans un souci permanent de dialogue avec d’autres disciplines comme l’histoire et la sociologie, elle s’est imposée au fur et à mesure de sa carrière comme une spécialiste reconnue des transformations contemporaines des villes latino-américaines. Parallèlement, elle a exploré les processus de fabrique territoriale en Amérique latine et notamment dirigé le désormais classique L’Amérique du Sud aux XIXe et XXe siècles : héritages et territoires (Paris, Armand Colin, 1993) et, avec Marie-France Prévôt-Schapira, Les territoires de l’État-nation en Amérique Latine (Paris, Éditions de l’IHEAL, 2001). 

 

Depuis une quinzaine d’années, Hélène Rivière d’Arc s’intéressait à la question de la réhabilitation des centres villes et promouvait les comparaisons entre Europe et Amérique latine pour mieux comprendre les débats en cours de part et d’autre de l’Atlantique. Elle a ainsi coordonné un programme sur les centres villes, qui a donné lieu à l’ouvrage collectif Centres de villes durables en Amérique latine. Exorciser les précarités ? (Paris, Éditions de l’IHEAL, 2009). À un moment où la recherche urbaine se focalisait sur la métropolisation et l’extension des villes, elle avait perçu les nouveaux enjeux des espaces centraux entre patrimonialisation, gentrification et participation. Vivant elle-même dans le centre de Paris, elle militait également dans des associations locales pour faire entendre la voix des citoyens face aux transformations de leur quartier. Elle était particulièrement préoccupée par les perspectives de transformation de l’Île de la Cité après la fermeture de l’Hôtel-Dieu et l’incendie de Notre-Dame. Qu’un incendie dans un immeuble parisien ait causé le décès d’une collègue engagée depuis 50 ans dans des recherches sur les villes et sur la place qui doit revenir à leurs habitants n’en est que plus tragique. 

 

Dense et imposante, son œuvre scientifique marquera durablement la géographie et, plus généralement, les études urbaines latino-américanistes. Celles et ceux qui ont partagé avec elle des moments d’échange scientifique se souviendront de la clairvoyance de ses commentaires, mais aussi de sa bienveillance. En outre, la capacité d’Hélène à tisser des réseaux de recherche de part et d’autre de l’Atlantique et son désir permanent de donner à connaître en Europe les travaux des collègues latino-américains resteront comme des exemples à suivre pour ancrer la coopération dans une durée qui dépasse celle des femmes et des hommes qui la font. 

 

Olivier Compagnon et Sébastien Velut

(avec la collaboration de Mona Huerta et de Marie-France Prévôt-Schapira)

 


Voir aussi :

 

Claude Bataillon, « Après Romain, Hélène, départ de nos amis latino-américanistes… », le 26 mars 2021.

« A circulaçao das ideas (França-Brasil) entrevista com Hélène Rivière D’arc », Anete B. L. Ivo, 2021 :

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