Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Présences masquées, présences tenaces

Capucine Boidin

 

Présences masquées, présences tenaces

 

Capucine Boidin

Directrice de l'IHEAL

 

Tenir, tenir un enseignement en co-présence, tel est notre objectif à l'IHEAL en cette rentrée de l'automne 2020.

Alors oui cette présence est masquée, séparée d'un siège et alternée entre les semaines paires et impaires.

Oui cette organisation met à rude épreuve les nerfs de chacun.e, enseignants, administratifs et étudiants.

Mais à l'heure où nous prenons chaque jour de plein fouet la "valence différentielle des corps" devant la mort,

nous avons plus que jamais besoin d'énoncer, de recevoir et débattre nos idées avec tout notre corps.

Même à distance et même masqués, sans musique ni moments festifs, la semaine de pré-rentrée avec son rallye photo, ses conférences et ses ateliers Talents campus s'est tenue.

Et de beaux projets étudiants ont émergé: Nossa casa, Lafiesta et Parlemos. Tout un programme de liens, lieux et paroles !

Tenir l'enseignement en co-présence, c'est ressentir les émotions de l'enseignant lorsqu'il transmet ses idées et recevoir les hésitations de l'étudiant.e qui ose prendre la parole dans la salle.

C'est renouveler l'énergie de transmettre, l'énergie d'apprendre, pour lire et penser ensemble le monde qui nous entoure, le monde que nous habitons ensemble.

Nous avons besoin de constituer des communautés physiques et vivantes d'argumentation!

La valence différentielle des sexes, cette belle expression de Françoise Héritier pour dire les processus de différenciations hiérarchiques et réciproques sans les figer,

nous inspire pour nommer la valence différentielle des corps devant la vie, la maladie et la mort que nous expérimentons aujourd'hui de manière plus aïgue que jamais.

En cette rentrée nous sommes particulièrement solidaires de nos collègues qui étudient et enseignent au Vénézuela et dont Brenda Yepez,

notre unique professeure invitée présente ce semestre, nous évoque avec pudeur les conditions de vie extrêmes.

Et comment ne pas terminer notre lettre en évoquant la consternation et la colère des universitaires français,

devant les promesses non tenues de notre ministre sur la prolongation des contrats de thèses perturbées par la crise sanitaire ?

Pourquoi promettre qu'elles seront financées par droit de tirage alors qu'au final ce sont les universités qui doivent les financer ?

Pourquoi promettre un plan d'envergure pour la recherche française alors que nous voyons sortir un projet dont les financements les plus importants peuvent ne jamais être versés?

Et dans des formes que nous rejetons massivement?

Alors oui c'est une rentrée masquée mais tenace que nous menons.


© IHEAL-CREDA 2020 - Publié le 25 septembre 2020 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA n°46, octobre 2020.