Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

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Zoom sur Les lieux de la colère. Ocupper l'espace pour contester, de Madrid à Sanaa (Karthala 2016), dirigé par Hélène Combes, David Garibay et Camille Goirand.

 

 

 

 

 

De la Place de la République à la Plaza del Sol : les symboles de la contestation

Vue depuis le haut, la Place Tahrir au Caire, lors d’une des multiples manifestations qui y ont eu lieu ces dernières années, ressemble à une série de cercles concentriques remplis de milliers d’humains, de drapeaux et de pancartes. Ces images, d’une place qui à l’époque était celle de point de réunion, champ de bataille, espace de convivialité et centre d’accueil des militants, ont été reprises infiniment par les médias comme symbole incontournable de la révolution égyptienne de 2011.

Comme la Place de la République à Paris pour Nuit Debout ou la Plaza del Sol à Madrid pour les indignados, les lieux de la contestation ont un rôle central dans le déroulement des mouvements qu’ils accueillent. Ces lieux publics deviennent symboles et référents des mobilisations.  L’espace des places, des boulevards, des ronds-points ou des routes, qui font partie de la vie ordinaire et des routines des habitants, définit des contraintes et des possibilités, en même temps qu’il émerge comme « espace contestataire » à travers les sens et les usages stratégiques qu’en font les mouvements sociaux.

En observant plusieurs mouvements sociaux autour du monde, Les lieux de la colère. Occuper l’espace pour contester, de Madrid à Sanaa (Karthala, 2016) analyse depuis différentes approches les dynamiques par lesquelles l’espace géographique est occupé, transformé et approprié par la contestation. La perspective spatiale, très souvent absente dans la recherche des mouvements sociaux, permet de comprendre les rapports des mobilisations avec leur entourage, ainsi que l’influence de l’espace dans la façon dont ces mobilisations émergent, s’alimentent et sont perçues par les médias et par la société. Une telle approche constitue ainsi une dimension complémentaire de celles connues dans le champ de la sociologie, et permet d’enraciner l’observation des mobilisations dans la matérialité de l’expérience vécue, de replacer l’engagement dans le contexte des pratiques « ordinaires » et de saisir ses ruptures.

En quatre sections principales, l’ouvrage rassemble une douzaine d’articles qui analysent la construction symbolique de la mobilisation par l’espace,  la façon dont l’espace contribue à façonner les identités militantes,  les formes dont l’espace est occupé et contrôlé par les militants et la mobilité spatiale et sociale des acteurs militants.

La perspective spatiale permet de réfléchir à la façon dont ces nouvelles formes de manifestation conservent un attachement  à l’espace, au rassemblement, et à la volonté de militer en laissant des empreintes physiques. Dans une époque marquée par l’omniprésence des technologies qui permettent de tout faire de façon virtuelle, penser à l’espace physique reste essentiel. Néanmoins, la dimension virtuelle des mouvements sociaux des dernières années est incontournable, notamment dans la façon où ils se sont médiatisés et répandus. Dans l’ouvrage, deux auteurs apportent une réflexion complémentaire sur ces nouveaux enjeux. Analhi Alviso, par exemple, dans un chapitre sur l’occupation d’une place de la capitale du Yemen, Sanaa, montre comment la diffusion de photographies sur les réseaux sociaux sur internet a contribué à construire une représentation symbolique du mouvement appuyée sur les images de la place occupée. L’obélisque situé au milieu du carrefour occupé devient alors, auprès des internautes, le symbole de la contestation. A propos du mouvement des Dames en blanc à Cuba, Marie Laure Geoffray examine la façon dont les modes d’action des contestataires mais aussi ceux des agents des forces de l’ordre sont construits en fonction des effets attendus de la diffusion des images de leurs mouvements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hélène Combes est chargée de recherche CNRS au Centre de recherches internationales (CERI, UMR7050, CNRS / Sciences Po Paris).
David Garibay est professeur de science politique à l'Université Lumière Lyon 2 et membre du laboratoire TRIANGLE : Action, discours, pensée politique et économique (UMR5206, CNRS / ENS de Lyon / Université de Lyon2 / IEP de Lyon / Université Jean Monnet Saint-Etienne).
Camille Goirand est professeur de science politique à l'IHEAL/Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 et membre du Centre d'études et de recherches administratives, politiques et Sociales (CERAPS, UMR8026, CNRS / Université de Lille 2).

Les lieux de la colère. Occuper l’espace pour contester, de Madrid à Sanaa
Hélène Combes, David Garibay, Camille Goirand (dir.)
Karthala 2016

Photos
© Héloïse Nez
1. Assemblée du quartier Chamberí (Madrid, 11 juin 2011)
2. Assemblée sur l’occupation de l’Hôtel Madrid (Madrid, 16 octobre 2011)


 

Publié le 27 janvier 2017 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 2, février 2017.