Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Zoom

L'Invention du Mexique pittoresque : 1936-1942

Zoom sur le travail de Priscila Pilatowsky sur la propagande touristique mexicaine de la fin des années 1930.

Qu’est-ce qui vient à l’esprit lorsque l’on entend parler du Mexique? 

Des paysages désertiques peuplés de cactacées, des villages pittoresques, des femmes entourées de fruits et des fleurs, des volcans enneigés, des sites archéologiques, des chapeaux et des robes de couleur ? Toutes ces images étaient présentes bien avant le XXe siècle dans la peinture, la lithographie, la photographie, les arts décoratifs, mais aussi dans des cartes postales, des dessins et des journaux de voyage. On peut évoquer par exemple les dessins des ruines préhispaniques de Frederik Catherwood, lithographe qui accompagnait Alexandre Von Humboldt, les peintures de mœurs de l’explorateur Carl Nebel, ou encore les portraits de paysans réalisés par le photographe Hugo Brehme.

Le projet de recherche « L’invention du Mexique pittoresque», de Priscila Pilatowsky, porte sur les usages des images du Mexique dans la propagande touristique de la fin des années 1930 et du début des années 1940. Située à une période que l’historiographie mexicaine nomme « post-révolution », cette propagande menée par les gouvernements mexicains avait pour mission de renforcer le nationalisme, d’encourager le tourisme et d’«améliorer » l’image du Mexique à un moment où le pays était gravement dénigré dans la presse internationale. Le Département de Presse et Propagande (DAPP) fondé par le gouvernement de Lázaro Cárdenas en 1936 fût l’organe officiel chargé d’élaborer un patrimoine visuel destiné à fabriquer une représentation évocatrice d’un Mexique pittoresque, tout en lui donnant une image moderne et ouverte tournée vers l’international. En effet, le DAPP a produit une synthèse entre les images traditionnelles (peintures, dessins), et celles techniquement reproductibles de la photographie et du cinéma.

Le personnel du DAPP était composé par des journalistes proches et appréciés du pouvoir politique tels qu’Agustín Arroyo, José Rivera, Alfonso Lozada ou Francisco Fernández Ledesma. Ces derniers ont établi des contacts avec un grand nombre d’artistes, agences de publicité, entrepreneurs, diplomates, amis de Mexique et magnats de la communication.  Le DAPP était porteur d’une mission nationaliste. Parallèlement, le bureau a dû s’aligner sur les dynamiques internationales des médias modernes (magazines illustrés, affiches, brochures, photographies) et se mettre en adéquation avec les milieux cosmopolites, l’émergence du panaméricanisme, les circulations artistiques et les flux de personnes.

Cette recherche exploite tout autant des sources mexicaines issues, entre autres, des Archives Nationales (Archivo General de la Nación), de l’Hémérothèque Nationale ou du Ministère des Affaires étrangères, que des sources étrangères parmi lesquelles des bibliothèques d’Allemagne, de France et des États Unis. L’abondance des sources graphiques révèle les contributions des artistes étrangers et l’incidence des courants artistiques variés dans la configuration de l’image moderne du Mexique. De fait, les sources sonores et cinématographiques invitent les historiens à instaurer un dialogue avec la théorie de la communication et les études visuelles. 

 

 

Priscila Pilatowsky Goñi est docteure en histoire (Colmex) et post-doctorante à IHEAL-CREDA

 


©  IHEAL-CREDA 2017 - Publié le 21 juillet  2017 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 8, août 2017.