Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Zoom

Le guarani une langue en accès numérique
Zoom sur le projet ANR LANGAS, une base de données pour la documentation et l'étude des langues amérindiennes.

Parlé actuellement par environ 8 millions de personnes dans le Cône Sud, le guarani est l’une des rares langues amérindiennes ayant aujourd’hui le statut de langue officielle. Reconnue par la constitution paraguayenne de 1992, cette langue est utilisée par plus de 90% de la population, alors que seuls 2% des Paraguayens se considèrent comme indigènes. Elle est aussi parlée dans certaines régions du Brésil, de la Bolivie et de l’Argentine, notamment dans la province de Corrientes où elle a sa place parmi les langues d’enseignement.

Comme le quechua, l’aymara et le tupi, le guarani a longtemps joué un rôle important dans les sociétés sud-américaines. Son utilisation, déjà ancrée dans la région bien avant la colonisation, s’est développée à l’époque de la domination espagnole et portugaise, quand elle est devenue « langue générale », c’est-à-dire une langue utilisée non seulement pour l’administration coloniale et la catéchèse sur un vaste territoire, mais aussi et de fait pour permettre aux divers groupes de la région de communiquer entre eux, Européens inclus. À ces fins, les missionnaires européens entreprennent d’écrire le guarani, alors qu’il était jusque là uniquement transmis et échangé oralement. La production textuelle qui s’ensuit sur plus de 150 ans est riche et variée : textes philosophiques, échanges épistolaires, traductions de textes religieux n’en sont que quelques exemples.

Les locuteurs actuels du guarani peuvent aujourd’hui accéder à ces manifestations écrites constituant une source incontournable pour appréhender l’histoire de la langue et des populations qui la parlaient. Ils peuvent ainsi observer l’évolution des différentes formes de guarani grâce au projet ANR LANGAS qui a compilé une base de données composée par textes transcrits depuis leur forme originelle et accessibles en forme libre et gratuite, même depuis des téléphones intelligents. Permettant la recherche lexicographique, cette base de données est un réservoir unique pour ceux et celles intéressées à la trajectoire historique des mots et au rôle des langues amérindiennes dans l’époque coloniale.  

Centralisant ainsi ces documents écrits en guarani et en quechua par des Indiens, des Européens et des Créoles de la période coloniale à celle des Indépendances, LANGAS ouvre la porte à l’étude de textes peu explorés, permettant d’analyser la pensée politique et l’importance historique de la langue indigène dans l’espace politique, économique et culturel de l’époque.

Coordonné par Capucine Boidin (IHEAL-CREDA/université Paris 3) et mis en œuvre par une équipe multidisciplinaire, le projet LANGAS continue de s’enrichir et de se développer à partir de textes de différents fonds. Permettant l’accès aux textes dans leur forme originelle et à leurs traductions en espagnol ancien et moderne, ce processus accélère la restitution immédiate aux locuteurs, qui peuvent ainsi accéder au patrimoine écrit de leurs langues.

Dans sa phase actuelle, LANGAS est centré sur le guarani et le quechua et prête une attention particulière au vocabulaire politique et aux modes indigènes d'expression d'institutions et de concepts politiques nouveaux à la fin de l'époque coloniale et au début de l'époque républicaine. La base de données peut être consultée ici.

 


©  IHEAL-CREDA 2018 - Publié le 22 décembre  2017 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 13, janvier 2018.