Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

Le Pérou avant les Incas

Le Pérou avant les Incas

par Clara de la Fuente

 

Deux ans après  L’Inca et le Conquistador où les personnages mythiques d’Atahualpa et de Pizarro étaient les maîtres de l’exposition, c’est au tour des civilisations pré-incaïques d’être mises à l’honneur cette année au Musée du quai Branly - Jacques-Chirac.

Le Pérou avant les Incas révèle au grand public que non, l’or du Pérou n’est pas forcément celui des Incas comme on l’entend si souvent dire. Certes la civilisation des Incas n’a cessé d’être un sujet de fascination au centre d’études et de recherches, depuis la découverte de leur empire par les conquistadors au XVIe siècle jusqu’à aujourd’hui.  Cependant, ils n’auraient pas atteint leur degré de sophistication en termes d’organisation territoriale, politique, économique et religieuse sans les civilisations qui les ont précédés.

A l’instar de l’Egypte, de la Mésopotamie, de l’Inde, de la Chine ou encore de la Mésoamérique, les Andes et notamment le long de la côte nord du Pérou ont été le berceau de cultures aux structures anciennes et étatiques fortement hiérarchisées.

Des campagnes de fouilles archéologiques menées depuis les années 1980 ont mis en lumière ces civilisations pré-incaïques en exhumant nombre de tombes funéraires, qui apportent des éclairages autant sur l’organisation sociétale que sur les croyances religieuses des ancêtres des Péruviens.

« Grâce au matériel funéraire des sépultures mises au jour sur la côte nord du Pérou, nous disposons pour la première fois d’une vision très précise des personnages de haut rang des sociétés cupisnique, mochica, lambayeque et chimú » confie Santiago Uceda Castillo[1], archéologue et directeur du musée Huacas del Valle de Moche, commissaire de l’exposition Le Pérou avant les Incas.

Les découvertes les plus prodigieuses sont sans aucun doute les tombes royales de Sipán en 1987, ainsi que les sépultures des reines Cao et Chornancap, dévoilées à San José de Moro. Et le quai Branly offre l’incroyable opportunité de découvrir ces trésors comme la couronne impressionnante et les bijoux luxueux de la dame de Cao, mi-reine mi-prêtresse et âgée de seulement 25 ans ; ou encore les précieux objets du seigneur de Sipán, hautement symboliques et révélant l’histoire de son temps.

Certes les civilisations précolombiennes ne connaissaient pas l’écriture. Néanmoins, depuis 1200 av. J-C à l’ère de la civilisation cupisnique, un langage iconographique s’est perpétué pendant des siècles. Déchiffrez donc les peintures sur les céramiques ainsi que leurs formes, loin d’être insignifiantes. Elles nous renseignent généralement sur les dieux des panthéons de ces anciennes civilisations : le dieu de la Montagne avec ses crocs effrayants, ce dieu-ancêtre des mochicas ; ou encore Naylamp, le fondateur mythique de la dynastie des seigneurs Lambayeque, arrivé par la mer sur un bateau et qui apporta l’agriculture à la population.

Mais ce ne sont pas les seules informations que ces vestiges puissent nous donner : nous savons à travers eux que le pouvoir de ces civilisations pré-incaïques était très monopolisé et hiérarchisé. Cela dit, pouvoir et religion étaient mêlés, il s’agissait donc de régimes autocrates et théocratiques, où les rites codifiés des sacrifices humains prenaient une place centrale dans la société.

Ces rites, pratiques religieuses et structures de pouvoir propres à ces anciennes cultures se sont ainsi perpétués tout en évoluant au fil du temps : ainsi, le dieu aux Bâtons, la plus ancienne divinité du Pérou, d’époque cupisnique, a ressurgi sous différentes formes chez les Mochicas, les Waris, et jusque chez les Incas.

Les découvertes archéologiques de ces dernières années nous permettent d’acquérir une connaissance plus large et plus approfondie de l’Histoire du Pérou, mais elles sont également une source de fierté pour les populations locales. Non seulement ces découvertes engendrent un essor touristique dans certaines régions reculées au bénéfice des populations, mais celles-ci se sentent surtout enorgueillies de leur héritage culturel et spirituel : « à leurs yeux, les parures royales et les céramiques découvertes sont bien plus que de simples œuvres d’art. Elles offrent le témoignage éclatant de la grandeur de leur passé et de leurs ancêtres. A cet égard, les Péruviens de la côte nord se considèrent comme les héritiers directs des Cupisniques, des Mochicas, des Lambayeques et des Chimús », conclut Santiago Uceda Castillo[2].

 

 

 

 

 



[1] Bérénice Geoffroy-Shneiter, « Trésors archéologiques », Le Pérou avant les Incas. Connaissance des Art, hors-série, 2017, p.6

 

[2] Bérénice Geoffroy-Shneiter, « Trésors archéologiques », Le Pérou avant les Incas. Connaissance des Arts hors-série, 2017, p.10

 

 


©  IHEAL-CREDA 2018 - Publié le 26 janvier  2018 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 14, février 2018.

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