Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

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Une nouvelle traversée de l'Amazonie brésilienne: les riches apports des recherches de terrain
Zoom sur l’ouvrage Amazonie brésilienne. Usages et représentations du territoire, coordonné par François-Michel le Tourneau (Éditions de l’HEAL Collection « Travaux et mémoires », Paris, 2017).

Ce livre présente les résultats des travaux d’un collectif de chercheurs dirigé par François-Michel Le Tourneau, géographe, directeur de recherche au CNRS (CREDA UMR 7227) qui a enquêté pendant plusieurs années auprès des « populations traditionnelles » d’une vaste région située dans les États du Pará et de l’Amapá, traversée par des affluents de rive gauche de l’Amazone, comme le Trombetas ou le Jari. Par « populations traditionnelles » il faut entendre, comme l’expliquent bien les auteurs, de petites communautés villageoises, assez isolées, qui regroupent des paysanneries d’origines diverses, exploitant pour le compte de gros commerçants des produits de la forêt comme la noix du Brésil (Bertholletia excelsa) et l’açaí – Euterpe oleracera, un palmier dont les fruits sont consommés ou utilisés dans la cosmétique - et complétant leur moyens de subsistance par une petite agriculture ou un petit élevage. Les données quantitatives et qualitatives recueillies dans les villages montrent une transformation sociale de ces communautés, sur une période de trente à quarante ans, liée au métissage intense de tribus Amérindiennes, de Noirs issus des communautés de marronnage (quilombolas) et de nouveaux venus (Nordestins surtout) ainsi qu’à l’affirmation de la place de l’État qui apporte l’école et des allocations familiales appréciées, qui délimite des aires de protection de l’environnement… Ainsi la région change de visage par un désenclavement progressif, l’arrivée de la télévision et du téléphone mobile et la déforestation se poursuit alors avec le démarrage de l’élevage des bovins et le développement des projets miniers. Par ailleurs les populations, désireuses de mieux s’approprier leur territoire, sont amenées à défendre leurs droits fonciers individuels ou collectifs, à s’organiser en coopératives et à participer davantage à la vie civique au niveau local et aussi au niveau national.

L’analyse minutieuse des données historiques et socio-économiques villageoises, des modes de vie des familles et l’étude des « cartes mentales » de leur environnement dessinées par les résidents permettent de dresser un tableau convaincant de réalités insaisissables pour de simples observateurs pressés. L’élaboration de la méthodologie des enquêtes, la mise en commun des données obtenues sur trois sites principaux de recherche et leur traitement ont certainement demandé une « mise en musique » très fine. La structure bien organisée de l’ouvrage qui accorde une place nécessaire à la contextualisation géographique et historique de la région étudiée (première partie) permet de traiter à fond les thèmes des activités agricoles et d’extraction (deuxième partie), de la connaissance de l’espace vécu par ces populations (troisième partie) et des questions de mobilité entre ville et forêt et de statuts fonciers (quatrième partie).

Cet ouvrage collectif offre ainsi une riche « traversée » d’un espace amazonien qui, remarquons-le, est voisin de notre département de la Guyane, déjà bien sillonné par les équipes multidisciplinaires de l’IRD et du CNRS et constitue une nouvelle contribution de valeur à la vaste bibliographie française sur le Brésil.

Christian Girault CNRS

 

Amazonie brésilienne. Usages et représentations du territoire, dirigé par François-Michel le Tourneau
Éditions de l’HEAL Collection « Travaux et mémoires »
Paris, 2017

 

 

 

 

 


©  IHEAL-CREDA 2018 - Publié le 30 mars 2018 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA, n° 16, avril 2018.

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