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Faillite de l’eau dans la terre de l’abondance
Zoom sur l’ouvrage Water Bankruptcy in the Land of Plenty, dirigé par Franck Poupeau et al.

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L’eau est sans doute une des ressources actuellement les plus convoitées de la planète et elle continuera à l’être à l’avenir. Les experts s’accordent pour dire que, dans le contexte d’une croissance soutenue de la population, les conflits autour de l’eau ne feront que  s’amplifier, comportant avec eux des risques sévères de troubles sociaux et politiques, aussi bien dans le Sud que dans le Nord. Des tendances inquiétantes sont déjà présentes telles que des inondations récurrentes, la volatilité dans la disponibilité des ressources, la fonte des glaciers (et la montée conséquente du niveau de la mer), la pollution des ressources à cause de la contamination industrielle, la dégradation des sols à cause de l’agriculture intensive, l’accès insuffisant à l’assainissement et surtout, la sécheresse. C’est dans ce contexte que le sud-ouest des États-Unis, qui souffre actuellement de la plus dure sécheresse qu’elle ait endurée jusqu’à aujourd’hui, est devenu un intérêt scientifique et politique considérable.

Tandis que la sécheresse peut être vue comme une perturbation liée à la conjoncture entre des systèmes naturel et humain ; la pénurie, qui découle de cette perturbation, est certainement le produit d’une interaction complexe entre la disponibilité physique, la gestion de l’environnement, et des comportements humains et  de leurs demandes. Autrement dit, les discours sur la « sécheresse » et la « pénurie de l’eau » sont, dans le monde actuel, une construction sociale associée avec la croissance économique progressive et l’adoption généralisée d’un style de vie basé dans la consommation. Indépendamment du fait de savoir  si le manque d’eau est véritablement dû à la variation climatique naturelle, au réchauffement global, au changement hydrologique, à  la pression urbaine qui ne cesse de croître ou encore à celle de l’agro-industrie infligée sur une ressource limitée ;  l’attention du public est plutôt fixée sur l’insuffisance de l’approvisionnement et  sur la « pénurie » perçue des ressources naturelles, que sur l’analyse des processus humains qui arbitrent la gouvernance et la gestion de cette eau.

L’ouvrage Water Bankruptcy in the Land of Plenty propose un décryptage de la notion expressément provocatrice de  « faillite de l’eau » (water bankruptcy). L’objectif étant de mettre l’accent sur la dimension socio-économique des problèmes autour de l’eau dans le sud-ouest américain, notamment en Arizona. Étant donné la longue tendance du développement de cette région, la sécheresse actuelle peut en effet présenter une ouverture pour défier le discours hégémonique qui détermine la gestion des ressources d’eau dans le sud-ouest étasunien. Cette situation présente notamment une opportunité pour traiter les menaces issues du déséquilibre entre les modèles de croissance et les ressources disponibles, la première cause de la pénurie.

Pionnier dans son genre, cet ouvrage a été réalisé en proche collaboration avec une grande gamme d’experts en sciences naturelles et sociales, ainsi qu’avec des gestionnaires de ressources en Europe et aux États-Unis. Il marque un pas en avant vers la mise en place d’une approche collective et transdisciplinaire pour dévoiler le fonctionnement interne de la façon dont l’eau est  approvisionnée, répartie et utilisée dans le sud-ouest étasunien. Le livre propose une perspective scientifique innovatrice, qui aide à décortiquer la relation conflictuelle que les sociétés ont avec leur environnement. En présentant un diagnostic critique vis-à-vis des problèmes autour de l’eau en Arizona, où la croissance urbaine et économique reste constante, le livre offre une vision de regards multiples et complémentaires sur la question.

Le livre comprend également un débat sur les ressources naturelles, la biodiversité et leur gestion en Arizona, ainsi qu’une analyse des impasses auxquelles est confrontée la gestion de la sécheresse et leurs racines dans l’histoire des politiques d’eau. Il s’agit également de rendre compte d’une évaluation des services des écosystèmes dans le contexte de la biodiversité locale et les activités économiques (telles que les mines et l’agriculture) qui soutiennent la croissance économique. Enfin, cet ouvrage est un effort collectif pour explorer l’interaction entre différentes disciplines, dont la climatologie, l’hydrologie, la gestion de l’eau, le métabolisme sociétal, la gouvernance de l’eau, l’économie politique et les sciences sociales.

 

 

 

Water Bankruptcy in the Land of Plenty
Franck Poupeau, Hoshin Gupta, Aleix Serrat-Capdevila, Maria A. Sans-Fuentes, Susan Harris, László G. Hayde (dir.)
CRC Press 2016

 

 

©  IHEAL-CREDA 2018 - Publié le 4 mai 2018 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA n° 17, mai 2018.