Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

L'Amérique latine dans nos assiettes

L’Amérique latine dans nos assiettes
Par Clara de la Fuente

Mille et une manières sont à notre portée pour mieux saisir les subtilités de l’Amérique latine : à travers son cinéma, sa musique, sa littérature, ses archives… et, bien sûr, sa gastronomie.

Effectivement, n’est-ce pas à travers les saveurs multiples et exotiques que l’on peut mieux connaître un pays et sa culture ? En France et plus largement en Europe, certains mets de la cuisine latino-américaine se sont popularisés, au point que nous avons tous une certaine idée de ce qu’est un tacos, un burrito, ou encore une margarita ; et nous avons tous goûté au fameux mojito.

Mais, que savons-nous réellement du monde culinaire latino-américain ?

Ces dernières années, la cuisine latino-américaine a de plus en plus conquis le cœur et le goût des Français qui ont la possibilité de découvrir les saveurs des quatre coins de l’Amérique latine, grâce à l’ouverture plus ou moins récente de nombreux restaurants péruviens, mexicains, brésiliens, colombiens, argentins, chiliens, uruguayens…

Outre l’ouverture de restaurants de plus en plus authentiques, de nombreuses initiatives mises en place par les Latino-américains sont menées, en vue de faire tomber les clichés qui rôdent autour de leur gastronomie, et de faire connaître les plats autrement. Et c’est le métier de Jesús Catalán Meneses, Directeur du Conseil de Promotion Touristique du Mexique, qui, à travers son travail, cherche à pallier les stéréotypes du « plat mexicain trop épicé ». « Le Mexique est un pays très baroque, chargé de saveurs multiples, cela va au-delà des épices. On retrouve aussi de l’acidulé, du sucré… », explique-t-il.

 

 

 

 

Photo: Elsa Barreda Ruíz
Chile en nogada, Mexique

 

 

 

Il est avéré que la cuisine mexicaine a pris une ampleur certaine à niveau international, surtout depuis 2010, année où le Mexique a vu sa gastronomie devenir patrimoine immatériel de l’humanité. Dès lors, le gouvernement mexicain a mis en place une politique formelle de promotion culturelle de sa gastronomie. Ainsi, pour Monsieur Catalán Meneses et son équipe, la gastronomie mexicaine est devenue un moyen de faire connaître le Mexique aux Français et à d’autres Européens, et de leur donner envie de voyager outre-Atlantique, afin d’approcher réellement la culture mexicaine.

En effet, la cuisine va au-delà des parfums et des saveurs qui ressortent des plats. Derrière une jolie assiette, on peut deviner des activités et des techniques agricoles millénaires, des traditions, ainsi qu’un ensemble d’éléments de cohésion pour la nation. Le Mexique, un pays trois fois plus grand que la France, réunit au sein de son territoire de multiples richesses et variétés spécifiques à chacune de ses régions.

Et c’est grâce à l’organisation d’événements comme le festival Qué gusto, qui en est à sa 4e édition, que le savoir culinaire mexicain devient accessible au grand public : en plus des moments de dégustation, seront prévus des moments d’interactions et d’apprentissages pour tous, avec l’organisation de nombreux ateliers (pour enfants, pour apprendre à réaliser une pâte de maïs, autour du chocolat…), des prises de parole, des projections etc.

Néanmoins, la cuisine mexicaine n’est pas la seule en vogue. Un pays du Cône Sud ambitionne également de faire valoir sa tradition culinaire comme patrimoine immatériel de l’humanité et prépare son dossier pour candidater à l’UNESCO : le Pérou.

Effectivement, depuis une vingtaine d’années, le Pérou a su valoriser sa cuisine, en partie grâce à Gastón Acurio, un chef péruvien très réputé, qui a donné l’impulsion à la diffusion de la gastronomie péruvienne, tout d’abord en valorisant les restaurants informels et familiers du Pérou au niveau national. Ce pays regorge de tellement de variétés, de par son climat, ses régions, ses cultures, qu’il fallait donner une identité à la cuisine péruvienne. Ainsi, les picanterías, des établissements traditionnels de quartier qui recevaient les midis tous les travailleurs alentours, en sont devenus la matrice.

Alors que le rocoto relleno ou le chupe de camarón, issus de ces picanterías, ont été exportés jusque dans les menus des restaurants péruviens en France, le ceviche reste le b.a.-ba de la gastronomie péruvienne sur la scène internationale. Frais et délicat, la recette de ce plat nous est dévoilée par  Lourdes Centty Pluvinage, cheffe du restaurant péruvien El Picaflor à Paris,  dans un article tiré de Les Echos (11/01/2013) : « Prenez un dos de cabillaud très frais, découpez-le en fines lamelles et versez dessus une marinade composée de gingembre, ail, céleri émincé, coriandre, sel et poivre et une bonne dose de citron vert. Ajoutez un peu de piment sans brutaliser les palais et servez avec une patate douce caramélisée. C'est somptueux ».

 

 

 

 

Photo : CC James sur flickr
Le ceviche péruvien

 

 

 

El Picaflor et bien d’autres restaurants latino-américains de quartier sont avant tout des lieux où la communauté latino-américaine à Paris se réunit pour retrouver un petit bout de chez eux. Ce sont aussi des endroits conviviaux et chaleureux qui ont séduit les Français à découvrir des contrées lointaines, sans avoir à traverser tout l’Atlantique.

Dans un autre style, des restaurants gastronomiques latino-américains sont de plus en plus réputés dans la capitale. C’est le cas par exemple de Manko,  restaurant du fameux Gastón Acurio, situé dans le 8e arrondissement. Les créations du chef Acurio, lui-même issu de l’école prestigieuse Le Cordon Bleu, sont un exemple de fusion entre les savoirs culinaires français et péruviens. 

Il est vrai qu’en Amérique latine, la gastronomie de l’Hexagone et ses arts de la table sont des valeurs et traditions très respectées et admirées ; il n’est donc pas rare que les chefs latino-américains les plus renommés aient suivi une formation à la française. Mais cela va dans les deux sens : la France a inclus depuis bien longtemps des produits tels que le maïs, la tomate, l’avocat, la courge, la pomme de terre, le quinoa (etc.) dans ces plus fameux mets.

L’éclair au chocolat aurait-il vu le jour sans la découverte du cacao mexicain ? Sûrement pas, et c’est ce qu’avait voulu démontrer Julien Duboué, chef français de renom, en invitant dans son restaurant A Noste, la cheffe mexicaine, Lydia González Aguilar, et le chef pâtissier français, Bryan Esposito. Ces trois gastronomes talentueux s’étaient coordonnés pour offrir aux clients un dîner « franco-mexicain ». Plus précisément, il s’agissait de proposer aux curieux et amateurs de bonne cuisine des plats français concoctés à partir de produits mexicains, et vice-versa. Le but étant, non seulement de découvrir de nouvelles saveurs, mais aussi leur histoire, celle des produits et de leur pays d’origine. Ainsi, des cartes postales ludiques étaient distribuées aux clients pour les aider à faire le lien entre le produit et sa provenance et son passé.

 

 

 

 

Sources :

Boris Coridian, « C’est le Pérou », Les Echos, le 11 janvier 2013

Remerciements :

Jesús Catalán Meneses, Directeur du Conseil de Promotion Touristique du Mexique.

Gaby Gilma Huaman Valdivia, étudiante en Master 2 Recherche en Anthropologie, l’IHEAL – Sorbonne Nouvelle et stagiaire à l’UNESCO pour participer à l’élaboration du dossier de candidature du Pérou à la patrimonialisation de sa gastronomie.

La clientèle habituée des restaurants latino-américains à Paris qui ont bien voulu témoigner leur expérience pour la rédaction de l'article.


©  IHEAL-CREDA 2018 - Publié le 1 juin 2018 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA n° 18, juin 2018.