Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine
Centre de recherche et de documentation sur les Amériques

L'Amérique latine en France

 

Projection du film Roma à la Maison de l'Amérique latine

Par Marion Imbert

© Carlos Somonte

Roma, le nouveau film à succès d'Alfonso Cuarón (réalisateur de Gravity), retrace la vie d’une famille mexicaine de classe moyenne-haute à Mexico dans les années 70. Divers sujets sont abordés : les relations amoureuses, la famille, les problèmes de société. C’est surtout l’enfance du réalisateur qui est retracée, puisque 90% des scènes finales ont été composées à partir des souvenirs de Cuarón. Véritable introspection, la beauté des scènes et points de vue est rendue par le noir et blanc qui sublime le film.

Autre originalité du casting : Cuarón n’a pas choisi les acteurs qui se présentaient selon leur jeu d’acteur mais plutôt selon leur physique pour qu’ils ressemblent le plus possible aux personnes de ses souvenirs. Ainsi, l’actrice principale Yalitza Aparicio n’avait jamais joué dans un film. Il en est de même pour l’autre aide familiale, jouée par Nancy Garcia qui est la meilleure amie de Yalitza. C’est donc une relation profondément complice et amicale qu’on retrouve à l’écran et qui ponctue le scénario grâce à l’authenticité des sentiments. Scénario que les acteurs sélectionnés ne découvraient que jour après jour, scène après scène, pour garder le maximum de spontanéité et naturel, selon la volonté du réalisateur.

Le film a remporté un Lion d’Or à la Mostra de Venise le 8 septembre 2018 et la Maison de l’Amérique latine a organisé des projections du 10 au 21 décembre 2018. Suite au succès rencontré, d’autres dates ont été proposées par la Maison de l’Amérique latine, le 28 et 31 janvier 2019 dans un cinéma parisien.

Le cinéaste mexicain Alfonso Cuaron reçoit le Lion d’or, à Venise, le 8 septembre 2018.

© Alberto Pizzoli / AFP

 

Nous sommes allés demander à des mexicain·e·s quelles étaient leurs impressions suite au visionnage du film :

Eugenia Jenner, 48 ans, née en 1970. Vit dans l’État de Morelos. Professeure.

"Le film Roma m’a rappelé beaucoup de moments de mon enfance, surtout la vie de famille, les vacances à la mer, les jeunes femmes qui aidaient ma mère, leurs problèmes liés au peu d'éducation reçue, mais aussi la solidarité entre femmes. On le voit bien lors de la scène où la grand-mère des enfants et Cleo choisissent un berceau pour le futur bébé, et soudain des hommes arrivent, armés jusqu'aux dents et répandent la terreur ; les deux femmes se serrent l'une contre l'autre en signe de soutien. Les deux femmes sont solidaires autant dans les moments de joie que dans les moments de peur. Les relations entre enfants et muchachas sont également très bien retracées dans ce film. J’ai été très heureuse de le voir et je le reverrai avec beaucoup de plaisir."

Marcela de Léon, 54 ans, née en 1964. Vit à la ville de México. Journaliste spécialisée en cinéma.

"Roma est un de mes films préférés ! Il m’a énormément impactée, je ne peux m’empêcher de pleurer à chaque fois que je le regarde. Ce film appelle et réveille les souvenirs de moments intimes de l’enfance. Je crois que c’est là toute la magie du film. Je suis née et ai toujours vécu dans le quartier de Polanco, situé à côté du quartier de Roma ; le film reflète ce que j’ai vécu étant petite, puisque nous étions du même niveau social que la famille de Cuarón. La maison, les meubles, la structure familiale étaient très semblables. Le zoom sur les femmes m’a fascinée : il montre leur force au moment de soutenir et réunir la famille en cas de crise. Ca m’a rappelé ma mère et les employées de la maison, notamment ma nourrice, à qui je pense souvent avec beaucoup d’affection. Bien que chacune avait son rôle et maintenait une certaine distance professionnelle, elles faisaient partie intégrante de la famille et nous les aimions énormément. Le film m’a donc provoqué un flashback émouvant.

Quant aux manifestations étudiantes de 1971, je ne m’en rappelle pas vraiment car j’étais petite et mes parents évitaient de regarder la télévision quand nous étions là. De plus, les médias de l’époque (télévision et radio) ne diffusèrent pas les images de ce qu’il se passa, ce fut une sorte de censure politique. Ce n’est que plus tard que je me suis intéressée aux mouvements étudiants de 1968 et 1971 et que je compris que les étudiants avaient été utilisés comme chair à canon, comme stratégie politique, et que les médias avaient été complices de tout ça.

Pour toutes ces raisons, Roma m’a profondément touchée, soulevant des sentiments de nostalgie, tristesse, haine mais aussi d’amour. Et je comprends que ce film plaise à autant de monde, car même sans avoir vécu ces moments-là, la beauté des paysages, des musiques et des scènes émeut et chacun peut s’identifier avec sa propre histoire familiale."


© IHEAL-CREDA 2019 - Publié le 1er février 2019 - La Lettre de l'IHEAL-CREDA n° 26, février 2019.