Les mécanismes de financement et de régulation de la production immobilière à Santiago du Chili : la fabrication néo-libérale de l’urbain à l’épreuve des nouvelles demandes citoyennes.

Les mécanismes de financement et de régulation de la production immobilière à Santiago du Chili : la fabrication néo-libérale de l’urbain à l’épreuve des nouvelles demandes citoyennes.
Rodrigo Cattaneo Pineda

Depuis le début des années 90, la convergence entre investisseurs financiers et promoteurs immobiliers a refaçonné les paysages métropolitains de Santiago, favorisant l’extension périphérique des mégaprojets résidentiels et commerciaux, en même temps que la verticalisation des centres fonctionnels de la capitale chilienne. Les autorités politiques ont accompagné ces mutations par des politiques de soutien de l’offre et par l’assouplissement des normes de fonctionnement du marché financier. Ce tournant dans la gouvernance métropolitaine n’a pas épuisé pour autant la mission régulatrice de l’Etat. Bien au contraire, les deux dernières décennies ont été une période particulièrement active d’expérimentation et d’innovation réglementaire : impacts fees, urbanisation sous conditions, zonages dits « flottants » ou inclusifs. Ces mécanismes apportaient une réponse nouvelle à la question de « qui paie pour l’urbanisation de la métropole ? ». En échange de la création de sol urbain par l’extension de la limite urbaine ou par l’autorisation d’une intensification des usages, les promoteurs devaient s’engager à compenser les externalités induites par leurs programmes immobiliers, et en particulier les frais d’extension des réseaux urbains.
Santiago apparaît ainsi comme un exemple paradigmatique de la « ville libérale » décrite par Brenner, Peck ou Hackworth, pilotée par des autorités publiques « entrepreneuriales » et engagée dans des stratégies de métropolisation. Dans ce contexte favorable, les bailleurs de fonds de l’industrie immobilière marquent la ville de leurs griffes, imposant de nouveaux impératifs économiques à la production urbaine. La compétition entre leurs différentes stratégies de valorisation du capital façonne les multiples géographies de la néolibéralisation de Santiago : reconversion de l’oligarchie des grands propriétaires fonciers de la périphérie, financiarisation des espaces centraux par des fonds d’investissement immobiliers, maillage « christallerien » de la métropole par le retail. Cette mécanique bien huilée se grippe aujourd’hui. Après des années d’atonie politique, des mouvements de citoyens émergent pour s’approprier les thématiques urbaines et pour exiger des moratoires sur l’activité immobilière. Forts d’une bonne connaissance du droit administratif, ils dénoncent la subordination de l’intérêt public aux appétits privés et mènent une guérilla judiciaire efficace à l’encontre de la coalition pro-croissance qui gouvernait Santiago. Ils réclament surtout une redéfinition des objectifs recherchés par les politiques urbaines, et un rééquilibrage des pouvoirs dans la métropole.
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